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This is Tennis '17

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Interviews, Pronostics, Bilans, Reviews...


Jeu, bet et match 

Publié par Benjamin Huiban sur 20 Janvier 2019, 15:13pm

Catégories : #Actualité

Crédit photo: LongIslandTennisMagazine


 

Depuis une semaine, les interpellations se sont multipliées suite à une enquête de soupçons de matchs truqués à l’échelle des tournois Challengers et Futures. Lundi, le placement en garde à vue de deux joueurs professionnels français a fait retentir l’affaire dans l’hexagone et les langues se sont peu à peu déliées. Tentative d’explications. 

 
Le tennis, l’eldorado des paris frauduleux. 
 
Dans le sport français, le dernier précédent ayant fait grand bruit est assurément l’affaire des paris sportifs liée aux frères Karabatic. Cette affaire que l’on pourrait résumer de « petit arrangement entre ami » apparaît être aux antipodes du vaste réseau mafieux incriminé du côté de la petite balle jaune.  Une des premières raisons de la passion de ces réseaux pour le tennis est le nombre de matchs et de paris possibles sur chaque rencontre de tennis. En effet, il existe des dizaines de tournois par semaine proposant parfois plus de 20 rencontres par jours (soit en général une bonne centaine de rencontres par jour). En ajoutant à cela la possibilité de parier sur le vainqueur de chaque point, chaque jeu, chaque set ou chaque match, soit une grosse centaine de paris possibles sur chaque match, des dizaines de milliers de paris sont proposés chaque jour. La deuxième raison distinguant le tennis des sports collectifs est qu’il suffit de corrompre un seul individu pour arriver à sa faim. Une troisième raison est la difficulté financière dans laquelle se trouve de nombreux joueurs des circuits secondaires. En effet, alors que les stars du tennis mondial dégagent des gains de plus en plus importants, des milliers de joueurs galèrent à joindre les deux bouts. Deux exemples démontrent parfaitement la difficulté des joueurs étant hors du top 200. Baptiste Crépatte (593ème à l’ATP suite au changement de comptage des points, 302ème en décembre) a gagné 5 tournois ITF (3ème échelon) d’affilé entre Octobre et Novembre 2018. Totalisant 28 victoires en deux mois, il n’a pourtant réussi à générer que 2 000€ de profit sur la période et culmine à 19 000€ de gain sur l’année. Autre anecdote pour la moins surprenante, celle de Tom Jomby (392ème à l’ATP) qui raconte avoir perdu de l’argent en remportant le simple et le double d’un tournoi ITF. Entre les frais de déplacement, d’hébergement et les dépenses courantes, les quelques 1 600€ brut revenant au vainqueur permettent bien difficilement aux joueurs de rentrer dans leur frais. Ces tentatives d’explications permettent de comprendre le choix de nombreux réseaux de blanchiment de choisir les joueurs de tennis comme cibles idéales afin de réduire les coûts de corruptions et d’augmenter l’argent gagné sur les paris. En concédant simplement un set ou un match, certains joueurs peuvent gagner l’équivalent d’un mois de gain sur le circuit. 
 
Des joueurs « professionnels » de victimes à coupables.  
 
Il est primordial de rappeler le contexte dans lequel évolue les joueurs. Des insultes quotidiennes venant de parieurs, des propositions frauduleuses répétées provenant de réseaux mafieux, les joueurs sont tous sans exceptions dans un premier temps des victimes du système actuel. Des victimes qui ont souvent du mal à boucler les fins de mois, qui ont souvent tout sacrifié pour le tennis, voyageant aux 4 coins du globe depuis leur plus jeune âge, qui ont souvent été conditionnés à devenir des joueurs de tennis et rien d’autre. Ces mêmes joueurs qui se retrouvent avec de moins en moins de sponsors et de moins en moins d’espoir de convertir leur potentiel lorsqu’ils ne progressent plus au classement. Rappelons également le très jeune âge de ces athlètes qui disputent en général leur premier match sur le circuit professionnel avant d’avoir 18 ans et qui doivent supporter d’une part la pression des résultats et d’autre part la pression d’individus malveillants et corruptifs. Quelques joueurs ont réagi à ces accusations avec plus ou moins de virulence. Benoit Paire a été l’un des plus direct en condamnant fermement les joueurs incriminés. Suspension à vie, « il faut se démerder pour y arriver et si on n'a pas le niveau, il faut faire autre chose » (source L'équipe), les mots sont durs et rappellent que ces joueurs sont également des coupables. D’autres ont révélé avoir déjà été approché et n’ont pas donné suite aux propositions, c’est le cas d’Hugo Nys, qui parvient grâce au double à faire augmenter ses gains en tournoi.  Mais le mal est bien plus profond. Une quarantaine de joueurs français sont ciblés par les enquêteurs sur cette affaire. La BBC et Buzzfeed ont également annoncé que 16 anciens joueurs du top 50 mondial sont suspectés dans d’autres affaires et les sommes qui auraient été perçues dépasseraient les 10 000€. Il pourrait donc y avoir des centaines de joueurs impliqués dans différentes malversations et à tous les étages. Certains joueurs parlent d’un circuit totalement gangréné par la corruption.  
 
Quelles solutions pour limiter le fléau ? 
 
Les instances ont pendant longtemps refusé d’ouvrir les yeux face à ce problème. Aujourd’hui encore, elles considèrent que seuls les circuits Challengers et Futures seraient touchées alors que des enquêtes soulignent des fortes suspicions de fraudes sur des matchs de tournois ATP. Une solution radicale souvent évoquée consisterait à interdire purement et simplement tous les paris sur le tennis, soit à l’échelle des tournois secondaires, soit à l’échelle globale. Cette mesure d’apparence salvatrice soulève deux interrogations principales. Quid de l’argent provenant du sponsoring de certaines entreprises de paris sportifs ? Est-il possible d’interdire les mises au niveau mondial ? En effet, interdire de façon général les paris dans le tennis ferait perdre beaucoup d’argent « propre » aux différentes instances, y compris les tournois. Ce manque de rentrer d’argent serait à fortiori impacté sur les joueurs et pourrait alors renforcer le problème. D’autre part, les paris sur les matchs du circuit ITF sont déjà interdis en France, mais rien n’empêche un parieur de choisir une plateforme étrangère. Le contrôle des sites d’Asie du Sud-Est généralement impliqué dans ce type de fraude apparaît donc comme un élément clés qui aura bien du mal à être résolu. Une autre mesure évoquée est l’arrêt, sur le circuit Future, des évolutions de score en direct, c’est à dire qu’il serait impossible de parier en direct sur les rencontres car les plateformes de paris ne seraient plus en capacité d’avoir le score des matchs en direct. Bien que cette idée soit régulièrement évoquée, ces limites sont pour le moins évidentes. Il est souvent question de paris sur la perte d’un set ou d’un match et pour ce type de pronostiques, nul besoin d’avoir accès à l’information en direct. Seul le score final à une importance. Face à ces barrières, l’accompagnement des joueurs, en particulier des jeunes, devrait retenir l’attention des instances. Le durcissement des sanctions pénales vis à vis des réseaux de corruptions pourraient également réduire la tentation de l’argent facile.  Les joueurs cédant à la tentation doivent bien évidemment être sanctionnés pour leur faute. Oliver Anderson a par exemple été condamné à 2 ans de mise à l’épreuve et 19 mois de suspensions. Hormis cas de récidive, il paraît compliqué d’un point de vue moral de condamner un joueur à une sanction plus lourde, mais le débat est ouvert.  
 
 
Dans un tennis mondial où il est de plus en plus difficile de se faire une place au soleil, une sanction de 2 ans ou à vie de toutes compétitions est de toute manière souvent synonyme 
de fin de carrière. Face à ce fléau qui semble être monnaie courante dans l’ensemble du tennis, les solutions efficaces sont difficiles à trouver. Enfin, bien que la culpabilité des joueurs cédant aux avances ne fait aucun doute, sommes-nous en mesure, observateurs et joueurs, d’incriminer de façon radical ces victimes devenues coupables ? La meilleure solution ne serait-elle pas une redistribution encore plus forte vers les échelons inférieurs ? Car bien que la pauvreté n’autorise personne à voler, il est primordial de comprendre le mécanisme du passage à l’acte afin de favoriser le retour à un sport propre et juste.  

 

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